Publié le 15 mars 2024

La sécurité à bord ne repose pas sur la quantité de pansements, mais sur un système médical intégré : le bon matériel, la bonne compétence et le bon protocole.

  • Personnalisez votre pharmacie au-delà de la réglementation en fonction de votre programme de navigation et de votre équipage.
  • Maîtrisez les gestes essentiels et les protocoles de communication avec le Centre de Consultation Médicale Maritime (CCMM).

Recommandation : La formation aux premiers secours en mer n’est pas une option, c’est le prolongement indispensable de votre pharmacie de bord.

En tant que chef de bord, vous avez probablement coché la case « trousse de secours » en achetant une boîte réglementaire en magasin d’accastillage. Vous êtes en règle avec la Division 240, et votre conscience est tranquille. Pourtant, une fois au large, confronté à une situation médicale, cette boîte standard révèle souvent ses limites. Elle est conçue pour la conformité, pas pour l’efficacité en situation d’isolement.

L’erreur commune est de voir la pharmacie de bord comme une simple collection d’objets. Une coupure ? Un pansement. Un mal de tête ? Du paracétamol. Cette approche est dangereusement réductrice. Elle ignore la complexité du milieu marin, l’éloignement des secours et la responsabilité qui pèse sur vos épaules. La véritable question n’est pas « Qu’y a-t-il dans ma trousse ? », mais plutôt « Ma trousse, mon équipage et moi-même formons-nous un système capable de faire face à une urgence ? ».

Cet article propose de changer radicalement de perspective. Oublions la simple liste de courses pour adopter la vision du médecin de marine : pragmatique et prévoyante. Nous allons aborder votre pharmacie de bord comme un système de sécurité médical intégré, reposant sur un triptyque indissociable : le matériel adapté, la compétence acquise et les protocoles répétés. Car la meilleure trousse du monde ne vaut rien si personne ne sait s’en servir correctement.

Ensemble, nous allons détailler les médicaments réellement indispensables, les gestes qui sauvent, et les réflexes de communication à acquérir pour transformer une simple boîte de secours en un véritable atout pour la sécurité de votre équipage.

Les 10 médicaments que tout chef de bord devrait avoir dans sa pharmacie

Avant de penser personnalisation, il existe un socle de médicaments essentiels qui répond à la grande majorité des problèmes courants en mer. Laisser un de ces éléments de côté, c’est créer une faille dans votre système de sécurité. Pensez au mal de mer : il peut transformer un équipier valide en un poids mort et déshydraté, compromettant la bonne marche du navire. Une étude récente révèle d’ailleurs que près de 25% de la population souffre du mal de mer, ce qui en fait un risque statistique à ne jamais négliger.

Au-delà de ce cas spécifique, une base médicamenteuse solide doit couvrir quatre risques majeurs : la douleur et la fièvre, l’inflammation, les réactions allergiques et les troubles digestifs. Voici la liste des indispensables, inspirée des recommandations officielles et de l’expérience du large. Attention, pour les médicaments sur prescription (antibiotiques, corticoïdes), une consultation avec votre médecin traitant avant le départ est impérative pour qu’il vous les prescrive en connaissance de cause.

  • Paracétamol 500mg : L’antidouleur et antipyrétique (contre la fièvre) de première intention, sans risque hémorragique.
  • Ibuprofène 200mg : Un anti-inflammatoire efficace pour les douleurs articulaires ou dentaires, à prendre de préférence au cours d’un repas.
  • Antihistaminique (type Desloratadine) : Indispensable pour les réactions allergiques (piqûres, allergies alimentaires légères).
  • Antispasmodique (type Phloroglucinol) : Contre les crampes et douleurs abdominales.
  • Antibiotique à large spectre (type Amoxicilline + Acide clavulanique) : Uniquement sur prescription médicale, pour les infections bactériennes avérées et sur conseil du CCMM.
  • Corticoïde en comprimés (type Prednisolone) : Pour les réactions allergiques ou inflammatoires sévères, sur avis médical.
  • Antidiarrhéique (type Racécadotril) : Pour stopper une diarrhée aiguë et éviter la déshydratation.
  • Anti-nauséeux : Le traitement de base contre le mal de mer.
  • Collyre antiseptique : Pour rincer l’œil et traiter les conjonctivites débutantes.
  • Crème corticoïde : Pour calmer les piqûres d’insectes et les réactions cutanées locales.

Cette liste constitue votre première ligne de défense. Elle doit être complète et à jour pour que vous puissiez agir sereinement face aux maux les plus fréquents.

Comment gérer les petites blessures à bord quand on est loin d’un médecin

La coupure avec un couteau à huîtres, l’écorchure en manœuvrant une ancre, la brûlure sur le réchaud… En mer, les petites blessures sont inévitables. Le danger n’est souvent pas la blessure elle-même, mais son potentiel infectieux, démultiplié dans un environnement humide et salin. Loin d’un médecin, une petite plaie mal soignée peut rapidement devenir un problème majeur. La clé n’est pas d’avoir une quantité astronomique de pansements, mais de maîtriser un protocole de soin rigoureux.

Ce protocole doit devenir un réflexe. Il vise à nettoyer la plaie de toute impureté pour donner au corps les meilleures chances de cicatriser sans complication. Chaque étape est importante et nécessite un matériel adapté, robuste et résistant à l’humidité.

Gros plan sur des mains appliquant un protocole de soins sur une plaie en milieu marin

Comme le montre ce geste, la précision est essentielle. Le processus se décompose en trois temps, un protocole de désinfection simple mais efficace que tout chef de bord doit connaître :

  1. Le rinçage : C’est la première étape, indispensable. On utilise du sérum physiologique en dosette stérile pour nettoyer la plaie et évacuer les corps étrangers visibles (sable, rouille, débris…). L’eau douce et propre peut être utilisée si le sérum n’est pas disponible en quantité suffisante.
  2. Le nettoyage : Avec une compresse stérile et un savon doux (type savon de Marseille) ou une lingette antiseptique, on nettoie les pourtours de la plaie, en allant de l’intérieur vers l’extérieur pour ne pas ramener de germes.
  3. La désinfection : Une fois la plaie propre et séchée, on applique un antiseptique (type chlorhexidine ou povidone iodée) à l’aide d’une nouvelle compresse stérile. Un spray peut être pratique pour éviter le contact direct.

Seulement après ces trois étapes, on peut couvrir la plaie avec un pansement adapté ou une compresse maintenue par un bandage. Changer le pansement quotidiennement et surveiller l’apparition de signes d’infection (rougeur, chaleur, gonflement, pus) est impératif.

Maîtriser cette procédure transforme une situation potentiellement anxiogène en une routine de soin maîtrisée, renforçant votre rôle de garant de la santé à bord.

Voyage aux tropiques : les ajouts indispensables à votre pharmacie de bord

Si votre programme de navigation se limite aux côtes françaises, la pharmacie de base est souvent suffisante. Mais dès que l’étrave pointe vers des latitudes plus chaudes et humides, les règles changent. Un voyage aux Antilles, en Polynésie ou en Asie du Sud-Est vous expose à des risques sanitaires spécifiques que votre trousse de secours métropolitaine ne couvre pas. Ignorer cette réalité, c’est naviguer avec une faille béante dans votre système de sécurité. La pharmacie doit évoluer avec votre itinéraire.

L’humidité favorise les mycoses, la faune locale apporte son lot de piqûres et de parasites, et les maladies tropicales comme la dengue ou le chikungunya imposent des précautions médicamenteuses strictes. Votre pharmacie doit donc s’enrichir pour faire face à ces nouvelles menaces. Préparer une navigation au-delà des DOM-TOM impose de penser sa trousse comme un outil adapté aux maladies tropicales.

Le tableau suivant, basé sur les recommandations pour les voyageurs au long cours, synthétise les ajouts essentiels à prévoir en concertation avec votre médecin. Il est primordial d’obtenir les prescriptions nécessaires avant de partir.

Ajouts spécifiques pour une navigation tropicale
Type de risque Médicament/Matériel Utilisation
Infections cutanées Crème corticoïde puissante Piqûres d’insectes virulentes ou réactions cutanées intenses
Mycoses Antifongique en crème et poudre Favorisées par l’humidité constante et la chaleur
Parasites Tire-tique de précision Pour l’extraction sécurisée de tiques, fréquentes dans la végétation tropicale
Dengue/Fièvre tropicale Paracétamol uniquement Jamais d’aspirine ou d’ibuprofène, qui augmentent le risque hémorragique
Turista sévère Antibiotique spécifique (Azithromycine) Sur avis du CCMM uniquement, en cas de diarrhée du voyageur invalidante

Cette personnalisation n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Elle démontre une véritable compréhension des risques et une prise de responsabilité éclairée de la part du chef de bord.

Le CCMM, votre médecin disponible 24/7 au milieu de l’océan

Même avec la meilleure pharmacie du monde, vous n’êtes pas médecin. Face à une situation qui vous dépasse, un doute sur un diagnostic ou une hésitation sur un traitement, un réflexe doit primer sur tous les autres : contacter le Centre de Consultation Médicale Maritime (CCMM). Basé à Toulouse, ce service public gratuit est accessible 24/7 depuis n’importe quel point du globe. Le considérer comme un simple numéro d’urgence est une erreur ; voyez-le comme votre médecin référent, un membre de votre équipage à distance qui vous apporte son expertise médicale.

Pourtant, ce service vital est encore sous-utilisé par les navigateurs de plaisance. Comme le souligne le Dr Roux, médecin responsable du CCMM, dans une interview accordée au magazine Bateaux.com, le CCMM représente 85% de leur activité pour la marine marchande et la pêche, contre seulement 12 à 18% pour la plaisance. Ce chiffre est révélateur : les professionnels de la mer ont intégré le CCMM dans leurs protocoles, tandis que de nombreux plaisanciers hésitent encore, par méconnaissance ou par crainte de déranger. C’est une erreur qui peut avoir de lourdes conséquences.

Un appel au CCMM n’est pas un aveu d’échec, c’est un acte de bon sens et de responsabilité. Pour que cet appel soit efficace, il doit être préparé. Le médecin à l’autre bout du fil a besoin d’informations précises pour poser un diagnostic et vous guider. Perdre du temps à chercher ces informations peut être critique. Adoptez le réflexe des professionnels : préparez votre communication.

Votre checklist avant d’appeler le CCMM

  1. Position GPS exacte : Précisez votre latitude et longitude.
  2. Identité du patient : Donnez le nom, l’âge et le sexe de la personne concernée.
  3. Résumé de la situation : Décrivez clairement les symptômes, l’heure de début et l’évolution.
  4. Constantes vitales : Si possible, mesurez et transmettez la fréquence respiratoire (mouvements par minute) et cardiaque (pulsations par minute).
  5. Antécédents et allergies : Mentionnez toute maladie chronique, traitement en cours ou allergie connue.
  6. Médicaments administrés : Listez ce que vous avez déjà donné (nom, dose, heure).
  7. Dotation médicale à bord : Indiquez les médicaments et le matériel dont vous disposez.

Savoir qui appeler et quoi dire est une compétence aussi importante que de savoir faire un nœud de chaise. C’est la partie « protocole » de votre système de sécurité.

Votre pharmacie de bord est-elle encore à jour ? La vérification annuelle à ne jamais oublier

Votre pharmacie de bord n’est pas un investissement ponctuel, mais un système vivant qui demande une maintenance régulière. Une fois constituée, la pire erreur est de l’oublier dans un coffre jusqu’à la prochaine croisière. Les médicaments périment, les emballages en carton se désagrègent avec l’humidité, et les pansements perdent leur stérilité. Une pharmacie qui n’est pas vérifiée est une pharmacie potentiellement inutile, voire dangereuse. L’audit annuel n’est donc pas une corvée, c’est un acte de maintenance essentiel à la sécurité.

Cet audit doit être systématique, idéalement avant la première grande sortie de la saison. Il consiste à vérifier trois points clés : les dates de péremption, l’état des emballages et l’adéquation du contenu avec le programme de navigation de l’année. Un médicament périmé peut voir son efficacité diminuer drastiquement. Un emballage abîmé peut compromettre la stérilité d’une compresse. C’est pourquoi l’organisation est fondamentale.

Vue d'ensemble d'une pharmacie de bord organisée avec système de rangement par couleur

Une méthode éprouvée consiste à se défaire des boîtes en carton, qui absorbent l’humidité. Sortez les plaquettes de médicaments et les notices, puis rangez-les ensemble dans des sacs de congélation à fermeture zip. Notez le nom du médicament et sa date de péremption au marqueur indélébile directement sur le sac. Cette méthode protège de l’humidité et offre un gain de place considérable. Il est aussi judicieux de créer deux contenants distincts : un petit sac d’urgence facile d’accès près de la descente avec le matériel pour les soins courants (pansements, antiseptique…), et une boîte étanche de réserve pour le reste.

L’audit annuel est le moment de :

  • Jeter systématiquement tout produit périmé (en pharmacie, pour un recyclage adéquat).
  • Remplacer les articles utilisés ou périmés.
  • Vérifier l’état des compresses et pansements : s’ils sont humides ou que l’emballage est abîmé, ils ne sont plus stériles.
  • Contrôler la pile de vos appareils électroniques (thermomètre, oxymètre…).

Une pharmacie bien organisée et à jour est le reflet d’un chef de bord prévoyant, qui ne laisse rien au hasard quand il s’agit de la sécurité de son équipage.

Comment gérer les médicaments personnels de vos équipiers en croisière

Votre responsabilité de chef de bord s’étend à la santé de chaque personne embarquée. Or, vos équipiers peuvent avoir leurs propres traitements chroniques ou allergies. Gérer ces informations et ces médicaments est un exercice délicat, qui mêle confiance, confidentialité et responsabilité légale. Comme le rappelle l’OVNI Club dans son guide de la grande croisière, « Les médicaments sur ordonnance figurant dans la pharmacie du bord ne doivent pas être administrés sans avis médical (responsabilité du chef de bord) ». Cette règle est fondamentale : vous êtes un facilitateur, pas un prescripteur.

Le chef de bord peut-il administrer des médicaments à un équipier ? La réponse est non, sauf dans un cas extrême d’inconscience et toujours sur instruction directe et formelle du CCMM. Votre rôle est de faciliter l’auto-administration. L’équipier doit pouvoir accéder à son traitement. C’est à lui, et à lui seul, de prendre ses médicaments.

Comment gérer les informations médicales confidentielles de l’équipage ? Avant le départ, chaque équipier devrait remplir une fiche de santé confidentielle (allergies, traitements en cours, personne à contacter). Cette fiche est placée dans une enveloppe scellée à son nom, que vous conserverez avec les papiers du bord. Elle ne sera ouverte qu’en cas d’urgence médicale si l’équipier est incapable de communiquer, afin de transmettre les informations au CCMM. C’est le meilleur compromis entre confidentialité et sécurité.

Que faire pour les traitements chroniques vitaux (diabète, épilepsie, problèmes cardiaques…) ? Pour ces traitements, la perte ou la dégradation des médicaments n’est pas une option. Le conseil à donner à l’équipier concerné est la règle du double kit. Il doit répartir son traitement en deux lots identiques, stockés dans des contenants étanches à deux endroits différents et éloignés du bateau. En cas de voie d’eau, de vol ou de perte d’un sac, le second lot reste disponible.

Cette approche, basée sur la préparation et la communication claire avant le départ, permet de créer un environnement de confiance et de sécurité pour tous.

L’urgence médicale au large : le scénario que vous devez préparer même s’il n’arrivera jamais

Personne ne souhaite être confronté à une urgence médicale grave en mer. C’est précisément pour cette raison qu’il faut s’y préparer. Dans le stress d’une situation critique (blessure grave, malaise cardiaque, réaction allergique sévère), l’improvisation est votre pire ennemie. La panique peut désorganiser l’équipage et faire perdre un temps précieux. Préparer ce scénario, c’est mettre en place un protocole d’action clair où chacun connaît son rôle. L’objectif est de transformer le chaos potentiel en une série d’actions coordonnées.

En cas d’urgence, plusieurs tâches doivent être menées de front : s’occuper du patient, contacter les secours, manœuvrer le bateau et gérer le reste de l’équipage. Une seule personne ne peut pas tout faire. La clé est la répartition des rôles. Avant chaque traversée importante, prenez cinq minutes pour assigner ces rôles à vos équipiers. Il ne s’agit pas d’une simulation complète, mais d’une simple attribution : « Toi, tu seras le communicant. Toi, le soignant », etc.

  • N°1 – Le Soignant : C’est la personne qui a la formation médicale la plus poussée (même un simple PSC1). Elle reste auprès du patient, lui prodigue les premiers soins et évalue son état. Elle ne fait que ça.
  • N°2 – Le Communicant : Il prend en charge toutes les communications extérieures. C’est lui qui contacte le CCMM, qui note scrupuleusement les recommandations du médecin et qui tient le journal de bord médical.
  • N°3 – Le Manœuvrier : C’est le chef de bord ou un équipier expérimenté. Il sécurise le bateau (mise à la cape, réduction de voilure) et se tient prêt à effectuer les manœuvres demandées (déroutement, préparation d’une zone d’hélitreuillage).
  • N°4 – Le Support : Il assiste les autres. Il prépare le matériel médical demandé par le soignant, s’occupe du reste de l’équipage, et fait le lien entre les différents postes.

Cette répartition simple permet de canaliser les actions et de gagner en efficacité. C’est grâce aux informations claires transmises par le communicant que le CCMM pourra décider de la meilleure stratégie à adopter, qui peut aller du simple suivi à l’évacuation médicalisée.

Comprendre les décisions possibles du CCMM est également utile. Voici les différents types d’interventions qu’ils peuvent déclencher :

Types d’évacuation selon le CCMM
Type Situation Action
Type 1 (MEDICO) Soins à bord possibles Suivi médical à distance par consultations régulières
Type 2 (Déroutement) Soins à bord avec nécessité de consultation Navigation vers le port le plus proche pour un débarquement
Type 3 (EVASAN) Urgence nécessitant une évacuation Évacuation sanitaire non médicalisée (par hélicoptère ou vedette SNSM)
Type 4 (EVAMED) Urgence vitale Intervention d’une équipe médicalisée à bord (hélitreuillage d’un médecin)

En transformant l’inconnu en une procédure connue, vous réduisez considérablement le facteur de stress et augmentez vos chances de gérer la situation avec calme et efficacité.

L’essentiel à retenir

  • La personnalisation de votre pharmacie en fonction de votre programme et de votre équipage est non négociable ; la réglementation n’est qu’un point de départ.
  • Le CCMM est votre meilleur allié en mer. Considérez cet appel comme un réflexe et non comme un dernier recours, et préparez systématiquement les informations à transmettre.
  • La compétence prime sur le matériel. Savoir réaliser les gestes de premiers secours et comment réagir en situation de stress est plus important que d’avoir la trousse la plus chère.

Votre pharmacie de bord ne vaut rien si vous ne savez pas vous en servir

Nous arrivons au cœur de notre raisonnement : le matériel, aussi complet soit-il, est inerte. C’est la compétence du chef de bord et de l’équipage qui lui donne sa valeur. Posséder des antibiotiques est une bonne chose, mais savoir quand et comment les administrer sur conseil du CCMM est ce qui fait la différence. Avoir une trousse remplie de compresses et de bandages est rassurant, mais maîtriser la technique pour stopper une hémorragie est ce qui peut sauver une vie. Le dernier pilier de votre système de sécurité, et sans doute le plus important, c’est la formation.

En France, la formation de base aux premiers secours est le PSC1 (Prévention et Secours Civiques de niveau 1). C’est un excellent point de départ qui vous enseignera les gestes fondamentaux. Selon la SNSM, cette formation de 7 heures, accessible à tous, permet d’acquérir les réflexes pour protéger, alerter et secourir. Cependant, elle est pensée pour un contexte terrestre où les secours peuvent arriver en quelques minutes. En mer, vous êtes seul pendant des heures.

C’est pourquoi des formations plus spécifiques, comme le PS Mer (Premiers Secours en Mer), également proposé par la SNSM, sont fortement recommandées. Elles reprennent les bases du PSC1 mais les adaptent aux problématiques du milieu maritime : hypothermie, gestion d’une urgence dans un espace confiné et instable, communication avec le CCMM, etc. Investir dans une telle formation n’est pas une dépense, c’est l’assurance la plus précieuse que vous puissiez souscrire.

Au-delà d’une formation complète, mémoriser quelques scénarios d’urgence est vital. Voici 5 situations critiques et les gestes réflexes associés, que vous devriez connaître par cœur :

  • Hémorragie : Compression manuelle directe sur la plaie avec un tissu propre, alerte des secours, et pose d’un garrot en dernier recours si la compression est inefficace ou impossible.
  • Étouffement (adulte) : Encourager la toux, puis donner 5 tapes vigoureuses dans le dos. Si cela ne suffit pas, effectuer 5 compressions abdominales (méthode de Heimlich).
  • Inconscience avec respiration : Libérer les voies aériennes et placer la victime en Position Latérale de Sécurité (PLS) pour éviter l’étouffement, puis la couvrir et surveiller sa respiration en attendant les secours.
  • Arrêt cardiaque : Alerter immédiatement (ou faire alerter) les secours, puis commencer le massage cardiaque (RCP) au rythme de 30 compressions pour 2 insufflations. Utiliser un défibrillateur (DAE) dès qu’il est disponible.
  • Hypothermie : Retirer les vêtements mouillés, sécher la personne sans la frictionner, l’isoler du froid avec des couvertures (notamment une couverture de survie) et lui donner des boissons chaudes et sucrées si elle est consciente.

L’étape suivante n’est pas d’acheter plus de matériel, mais d’investir dans votre propre compétence. Renseignez-vous sur les formations aux premiers secours en mer (PS Mer) proposées par la SNSM ou les organismes agréés. C’est l’action la plus significative que vous puissiez entreprendre pour la sécurité de tous à bord.

Rédigé par Jean-Marc Pelletier, Skipper professionnel et formateur avec plus de 30 ans d'expérience en navigation hauturière, Jean-Marc est une référence en matière de préparation au grand voyage et de sécurité en mer.