Photographie réaliste d'un plaisancier en mer naviguant avec un voilier écologique entouré d'eau claire et d'un ciel dégagé

Publié le 17 mai 2025

Chaque sortie en mer est une promesse de liberté, une communion avec la nature dans ce qu’elle a de plus brut et de plus majestueux. Pourtant, cette passion qui nous lie à l’océan nous place aussi en première ligne de sa fragilité. En tant que navigatrice et biologiste, je suis témoin de la beauté stupéfiante des écosystèmes marins, mais aussi des cicatrices que nos activités, même les plus innocentes en apparence, peuvent laisser. Notre amour pour la mer nous confère une responsabilité immense : celle de devenir les gardiens de cet univers bleu.

Adopter une approche de navigation consciente va bien au-delà de la simple admiration des paysages. Il s’agit de comprendre l’impact de chaque geste, de la composition de notre peinture antifouling aux produits que nous utilisons à bord, en passant par des aspects moins évidents comme la pollution sonore ou lumineuse qui perturbe la faune marine. Cet article n’est pas un manifeste de plus, mais un guide pratique et concret, pensé pour tous les navigateurs déjà sensibilisés qui souhaitent transformer leurs bonnes intentions en actions efficaces. Ensemble, nous allons explorer comment minimiser notre empreinte écologique pour que nos sillages ne soient plus que des souvenirs éphémères sur l’eau, et non des marques indélébiles sur la vie qu’elle abrite.

Pour une immersion visuelle dans les bonnes pratiques en mer et la sécurité, la vidéo suivante complète parfaitement les conseils de ce guide en illustrant les principes fondamentaux de la navigation de plaisance.

Cet article est structuré pour vous guider pas à pas, des aspects techniques de votre bateau à l’organisation de la vie à bord. Voici les points clés que nous allons explorer en détail pour faire de chaque sortie en mer un geste positif pour l’océan.

Sommaire : Le manifeste pour une navigation à impact positif

Identifier et maîtriser les pollutions cachées de votre bateau

Au-delà de la pollution visible, nos bateaux sont des sources d’émissions discrètes mais pernicieuses. Les eaux de cale, par exemple, sont souvent chargées d’hydrocarbures issus du moteur. La réglementation impose une teneur maximale de 15 mg/litre avant rejet, un seuil facilement dépassé sans un équipement adéquat. Ces résidus huileux, même en faible quantité, créent un film en surface qui asphyxie la microfaune et la flore, première brique de la chaîne alimentaire marine.

Une autre source de pollution chimique majeure provient des peintures antifouling. Conçues pour empêcher les organismes de se fixer sur la coque, elles libèrent en continu des biocides toxiques, comme le cuivre, qui empoisonnent les sédiments et les organismes filtreurs dans les zones de mouillage et les ports. Le choix d’alternatives moins nocives, comme les peintures à base de silicone ou les systèmes à ultrasons, devient une décision cruciale pour la santé de l’écosystème que nous aimons explorer.

L’enjeu est donc de prendre conscience de ces pollutions invisibles pour agir à la source. Comme le souligne un expert naval de Vetus dans ActuNautique :

La réduction des hydrocarbures rejetés par les bateaux passe par l’utilisation de filtres spécifiques qui sont abordables et efficaces.

Ces solutions, qu’il s’agisse de filtres de cale ou de revêtements de coque nouvelle génération, transforment notre bateau d’une source potentielle de nuisance en une plateforme de plaisance plus respectueuse.

L’art du mouillage respectueux pour protéger les prairies sous-marines

Le geste de jeter l’ancre, symbole de quiétude et de repos, peut être dévastateur pour les écosystèmes les plus précieux de nos côtes : les herbiers de posidonie. Ces prairies sous-marines ne sont pas de simples algues, mais des plantes à fleurs qui forment des habitats essentiels, servant de nurserie, de garde-manger et de protection contre l’érosion pour d’innombrables espèces. Or, l’impact d’une ancre et de sa chaîne qui labourent ces fonds est dramatique.

Lorsqu’une ancre crochète et arrache les rhizomes de la posidonie, elle laisse une balafre béante dans l’écosystème. La repousse est extrêmement lente, et les cicatrices d’ancrage peuvent rester visibles plusieurs décennies. L’évitement de la chaîne qui balaye le fond à chaque changement de vent est tout aussi crucial. Ce ragage détruit les jeunes pousses et perturbe la faune locale. Pour bien visualiser cet impact, l’image suivante est plus parlante que mille mots.

Photographie montrant une cicatrice visible sur un herbier marin causée par un ancrage

Cette photographie illustre parfaitement la vulnérabilité de ces écosystèmes. La solution réside dans un mouillage éclairé : privilégier systématiquement les zones sableuses, identifiables à leur couleur claire, et utiliser des applications de cartographie marine qui indiquent la nature des fonds et les zones de mouillage organisées (ZMEL) équipées de bouées écologiques.

Surveillance de la pression de mouillage méditerranéenne

Une analyse a montré que 30% des habitats côtiers méditerranéens subissent des dommages liés au mouillage, particulièrement dus aux grands navires dont les ancres arrachent les parties basses des herbiers, empêchant leur repousse.

La vérité sur les déchets en mer : quel est leur impact réel ?

L’idée de jeter un déchet par-dessus bord semble aujourd’hui impensable pour la plupart des navigateurs. Pourtant, la réalité de la pollution marine par les macrodéchets reste alarmante. Une fois en mer, un simple sac plastique ou une bouteille entame un long et funeste voyage, se fragmentant en microplastiques qui contaminent l’ensemble de la chaîne alimentaire, du plancton jusqu’à nos assiettes.

Ces débris représentent une menace directe et visible pour la faune. Les tortues marines confondent les sacs plastiques avec des méduses, leur principale source de nourriture, menant à une occlusion intestinale fatale. Les mammifères marins et les oiseaux, quant à eux, se retrouvent souvent piégés dans des filets abandonnés, des cordages ou des cerclages plastiques, subissant des blessures graves, voire la mort par noyade ou strangulation.

La législation est sans équivoque, et la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) est très claire sur ce point. Comme le rappelle un responsable de la convention dans le Port Adhoc Blog :

Le rejet du plastique, du carton, du verre et du métal en mer est formellement interdit, car ils participent à la pollution marine qui détruit les écosystèmes.

La seule solution est une gestion rigoureuse à bord. Cela implique de prévoir un système de tri et, surtout, de stockage. L’un des plus grands défis est le volume que représentent les poubelles. Heureusement, des solutions simples existent. Selon un article sur la gestion zéro déchet en mer, un compactage manuel peut réduire jusqu’à 70% le volume des déchets à bord. Écraser les bouteilles, plier les briques et compacter les emballages permet de prolonger significativement son autonomie avant de devoir débarquer ses déchets dans les conteneurs prévus à cet effet au port.

Comment atteindre l’objectif zéro déchet lors d’une croisière ?

L’ambition du « zéro déchet » en mer n’est pas une utopie, mais une méthodologie qui commence bien avant de larguer les amarres. Elle repose sur un principe simple : tout ce qui est amené à bord doit avoir une utilité durable ou être facilement recyclable à terre. La clé est dans l’anticipation et la préparation de l’avitaillement. Cela signifie bannir le suremballage et privilégier le vrac, les produits frais et les contenants réutilisables.

À bord, la vie s’organise autour de cette nouvelle philosophie. Les bouteilles en plastique sont remplacées par des gourdes et une eau potable stockée en grande quantité ou produite par un dessalinisateur. Le film alimentaire laisse place aux emballages en cire d’abeille et les boîtes hermétiques deviennent les meilleures alliées pour conserver les restes. C’est un changement d’habitudes qui, une fois adopté, devient une seconde nature et simplifie étonnamment la vie à bord en éliminant la corvée de la gestion des poubelles.

Photo d'un équipage en mer utilisant des contenants réutilisables et triant ses déchets sur un voilier

L’image ci-dessus illustre parfaitement cet esprit d’équipe et d’organisation. Le tri sélectif est maintenu comme à la maison : un sac pour les recyclables (bien rincés à l’eau de mer pour éviter les odeurs), un autre pour le verre et un petit composteur de pont pour les déchets organiques qui pourront être rejetés au large, là où ils seront rapidement dégradés sans nuire aux écosystèmes côtiers fragiles.

9 astuces pour vivre sans produire de déchets en mer

  • Préparer ses repas à bord avec des ingrédients frais et peu emballés.
  • Utiliser des contenants réutilisables au lieu du jetable.
  • Refuser les plastiques à usage unique avant le départ.
  • Installer un système de tri et de stockage des déchets recyclables.
  • Éviter le suremballage dans les provisions.
  • Favoriser les produits en vrac et locaux.
  • Planifier les escales pour déposer les déchets dans des points de collecte.
  • Adopter une attitude minimaliste et responsable.
  • Sensibiliser l’équipage aux bonnes pratiques écologiques.

Crèmes solaires : comment se protéger sans nuire à la vie marine ?

Se protéger du soleil en mer est un réflexe vital. Pourtant, la plupart des crèmes solaires conventionnelles contiennent des filtres UV chimiques, comme l’oxybenzone ou l’octinoxate, qui sont de véritables poisons pour les écosystèmes marins, et en particulier pour les coraux. Lorsque nous nous baignons, ces composés se diluent dans l’eau et agissent comme des perturbateurs endocriniens pour la faune marine. Ils provoquent le blanchissement du corail, même à des concentrations très faibles, en altérant son ADN et en le rendant plus vulnérable aux maladies.

L’ampleur du phénomène est considérable. Chaque année, ce sont entre 6 000 et 14 000 tonnes de ces filtres UV qui sont déversées dans les océans, principalement dans les zones côtières touristiques et les récifs coralliens, des zones déjà extrêmement fragilisées par le réchauffement climatique. L’impact est systémique, affectant non seulement les coraux mais aussi les poissons, les oursins et les algues.

Face à ce constat, il est impératif d’opter pour des alternatives respectueuses. Les crèmes solaires minérales, à base d’oxyde de zinc ou de dioxyde de titane sans nanoparticules, sont une excellente solution. Elles agissent comme un écran physique qui réfléchit les UV sans se dissoudre dans l’eau et sans toxicité avérée pour le milieu marin. Le Dr Frances Hopkins, biogéochimiste marine, soulignait dans le Marine Pollution Bulletin :

Il est essentiel de mieux comprendre l’impact de cette pollution chimique omniprésente sur des écosystèmes déjà fragilisés.

Adopter une crème solaire « ocean-friendly » est un geste simple, tout comme le fait de privilégier les vêtements anti-UV (lycras) pour limiter la quantité de crème appliquée.

Préserver son moteur : pourquoi une conduite douce est plus efficace

Un moteur marin est un allié précieux, mais sa fiabilité et sa longévité dépendent directement de la manière dont nous l’utilisons et l’entretenons. L’idée reçue qu’un moteur a besoin d’être « poussé » pour bien fonctionner est une erreur coûteuse, tant pour notre portefeuille que pour l’environnement. Faire tourner un moteur à plein régime de manière prolongée entraîne une usure prématurée des composants internes, une surconsommation de carburant et une augmentation significative des émissions polluantes.

Une conduite souple et anticipatrice est la clé. Respecter le régime de croisière recommandé par le constructeur, généralement situé autour de 70-80% de la puissance maximale, permet de trouver le meilleur compromis entre vitesse, consommation et fiabilité. Cela réduit non seulement les contraintes mécaniques sur les pistons, les joints et les turbines, mais diminue également le bruit sous-marin, une source de stress importante pour la faune marine, notamment les cétacés.

L’entretien régulier est le corollaire indispensable d’une bonne conduite. Un moteur bien entretenu est un moteur qui pollue moins et qui dure plus longtemps. Il ne s’agit pas de devenir un mécanicien expert, mais d’adopter des réflexes de base.

Guide d’entretien des moteurs de bateau pour prolonger leur durée de vie

Un entretien régulier comprenant le remplacement annuel des filtres à carburant, à huile, et les vérifications des joints et bougies permet de prévenir l’usure prématurée des moteurs. Pousser le moteur à fond sans entretien augmente considérablement les risques de panne coûteuse.

Comme le résume un expert de Boatngo, « le bon entretien, le nettoyage et une conduite adaptée sont indispensables pour éviter d’user prématurément son moteur ». Ces bonnes pratiques sont un investissement direct dans la sérénité de nos navigations futures.

Vêtements en mer : pourquoi le coton est un piège à éviter

Sur terre, le coton est synonyme de confort et de douceur. En mer, il devient notre pire ennemi. Son principal défaut réside dans sa structure fibreuse qui en fait une véritable éponge. Lorsqu’il est mouillé, que ce soit par la pluie, les embruns ou la transpiration, le coton perd toutes ses propriétés isolantes. Il reste gorgé d’eau et met un temps infini à sécher, surtout dans l’atmosphère humide d’un bateau.

Le contact prolongé de ce tissu humide sur la peau accélère la perte de chaleur corporelle par conduction. Même par une journée d’été, un simple t-shirt en coton mouillé et un coup de vent suffisent à provoquer une sensation de froid intense, pouvant mener à l’inconfort, à la fatigue et, dans des conditions plus extrêmes, à l’hypothermie. C’est un principe bien connu des montagnards, mais qui est tout aussi pertinent en navigation.

Comme l’explique très bien un expert sur le site Randonner Malin dans un article intitulé « Le coton tue en randonnée » :

Le coton absorbe l’humidité et ne l’évacue pas vers l’extérieur. Avec des vêtements en coton, votre peau reste donc toujours au contact de l’humidité et vous avez froid.

La solution est le système des trois couches, en utilisant des matériaux techniques et synthétiques (polyester, polypropylène) ou de la laine mérinos pour la première couche en contact avec la peau. Ces textiles ont la capacité de ne pas retenir l’humidité et de l’évacuer vers l’extérieur, gardant ainsi le corps au sec et au chaud. Réserver le coton pour les soirées tranquilles au port est la meilleure décision pour garantir son confort et sa sécurité en navigation.

Un équipage au sec et en sécurité est un équipage heureux, mais il doit aussi être bien nourri. Abordons maintenant la dernière pierre angulaire d’une sortie en mer réussie : l'avitaillement intelligent, clé d'une croisière écologique et sereine.

L’avitaillement intelligent : la clé d’une croisière écologique et sereine

L’avitaillement est bien plus qu’une simple liste de courses ; c’est le fondement logistique et moral d’une croisière. Un avitaillement bien pensé est synonyme de repas savoureux, d’un équipage en forme et d’une gestion des ressources optimisée. À l’inverse, une préparation hasardeuse peut rapidement transformer la navigation en une source de stress, de faim et de gaspillage. C’est une vérité que de nombreux marins expérimentés ont apprise, parfois à leurs dépens.

Comme le partage un navigateur sur le blog VogAvecMoi, l’expérience est le meilleur des maîtres :

Après plusieurs années de navigation, bien préparer son avitaillement assure 80% d’une croisière réussie. Un mauvais avitaillement peut transformer un rêve en cauchemar, notamment à cause du manque de provisions ou de leur conservation.

Réussir son avitaillement, c’est trouver l’équilibre parfait entre quantité, qualité, facilité de préparation et conservation. Cela implique de planifier les menus à l’avance, en tenant compte des préférences de l’équipage, de la durée du voyage et des conditions de navigation attendues. Un repas complexe à préparer dans une cuisine qui bouge est rarement une bonne idée. La simplicité est souvent la meilleure des alliées.

Photo réaliste montrant un voilier avec son équipage préparant l’avitaillement, stockant les provisions et organisant l’espace

L’organisation du stockage est tout aussi cruciale. Chaque chose doit avoir une place définie et être arrimée solidement pour résister aux mouvements du bateau. Appliquer la règle du « premier entré, premier sorti » (FIFO) en plaçant les produits à consommer en premier sur le dessus évite de devoir tout vider pour trouver une conserve au fond d’un coffre.

Checklist d’avitaillement pour une croisière sereine

  • Vérifier la quantité d’eau potable suffisante.
  • Privilégier des aliments non périssables et faciles à préparer.
  • Optimiser le stockage avec un arrimage sécurisé pour éviter les déplacements en mer.
  • Tenir compte de la météo et de la durée de la croisière.
  • Organiser un briefing d’équipage sur la gestion des repas et des rations.

Adopter ces pratiques, c’est transformer chaque sortie en mer en une action positive pour l’océan. Commencez par choisir un ou deux de ces conseils et appliquez-les lors de votre prochaine navigation. Chaque geste compte pour préserver la magie du monde marin pour les générations futures.

Rédigé par Léa Vasseur, biologiste marine de formation et navigatrice engagée, Léa consacre ses navigations à l’étude et à la préservation des écosystèmes côtiers depuis 8 ans. Elle est spécialisée dans les pratiques de navigation à faible impact environnemental.